samedi 5 mars 2011

L'éducation au Burkina Faso

Lors de mon exploration du secteur de l'éducation au Burkina Faso, l'enseignante en moi a fait la découverte d'un nombre surprenant d'éléments bien différents du Canada. Laissez moi en partager un.

Samedi matin, 7h30, je suis dans la cour d'une école de Dédougou. J'attends un ou des collègues qui vont me montrer le chemin vers une école dans un village voisin. La directrice est finalement la première à venir me trouver. Ensemble, nous enfourchons nos motos et prenons les voies poussiéreuses pour aller rejoindre une trentaine d'autres enseignants.

Ce matin, toutes ces personnes se sont réunis pour aider un collègue qui doit bientôt se faire évaluer et ainsi devenir un enseignant reconnu officiellement par l'état. Nous sommes 34 adultes réunis. Nous provenons de 4 écoles avoisinantes. L'enseignant observé a une classe multi-niveaux, l'équivalent d'une 3e et 4e année au Québec. Il a environ 70 élèves dans sa classe. Ce matin, il est prévu qu'il donne un cours d'éducation physique, puis un d'histoire.

Tous les enseignants sont donc rassemblés autour du terrain de soccer alors qu'il donne son premier cours. Les 3e font de la course alors que les 4e jouent au handball, il doit donc gérer 70 élèves en train de jouer en même temps. Puis, ces 100 quelques personnes doivent se regrouper dans la salle de classe, plus petite que la plupart des salles de classe au Québec, pour le cours d'histoire. Aujourd'hui, les jeunes apprennent comment l'ethnie Mossi, la plus nombreuse au pays, a fait son arrivée au Burkina Faso.

Puis, une fois la leçon terminée, les enfants sont excusés. L'enseignant écrit le titre, le thème, les objectifs, etc. des cours qu'il vient de nous présenter au tableau. Puis, la session de rétroaction par les pairs commencent.

Wow! Pouvez-vous imaginer que 75% du temps a été passé sur le titre et le thème qu'il avait donné à son cours d'éducation physique. Il n'y a eu quasiment aucun commentaire sur sa façon d'enseigner. Après tout, ce qui est important ici pour l'évaluation c'est la forme (le titre, le thème, etc.) et non pas le contenu! Je suis outré de voir que 34 professionnels de l'éducation se sont rassemblés pendant une matinée pour s'obstiner sur le mot 'athlétisme'.

Qui plus est, le cadre d'enseignement au Burkina est TRÈS rigide. Ainsi, les leçons doivent TOUJOURS prendre le même format du genre la règle est écrit au tableau, chaque enfant la répète un à la fois, un résumé est écrit qu'il recopie, etc. Et bien, imaginez-vous que l'enseignant en question avait pris la liberté d'amener une petite diversion à cette routine dans son cours d'histoire, il s'est fait taper sur les doigts!

L'enseignement ici me fascine, c'est tellement différent de chez nous. Tout est très théorique. Il n'y a jamais de pratique (même dans un bac en sciences à l'université!), tout ce qui compte ici, c'est de vomir du par cœur!

La relation entre les enseignants et les enfants est aussi très différente. L'enseignant est nettement perçu comme un maître à craindre ici.

Toutefois, je dois avouer que les jeunes sont mille fois plus autonomes que chez nous! Enseignant ou non dans la classe, ils travaillent! Les routines sont tellement fortes ici, qu'ils n'ont pas vraiment besoin de l'enseignant, ils prennent le manuel et le chef de classe choisit les élèves pour qu'ils répètent et lisent au tableau. Tant mieux, après tout, je lisais que lors d'une étude récente il avait été constaté qu'à tout moment donné dans la journée de cours, 20% des enseignants n'étaient pas en poste en train d'enseigner. Les raisons sont multiples pour ne pas être devant la classe ici. Des bailleurs sont venus visiter l'école, l'enseignant a un rendez-vous à la banque, il n'a plus de carburant pour venir en moto du village voisin, etc. Les enfants n'ont d'autres que d'apprendre à progresser même sans le maître en classe.

La valeur de l'école est nettement différente ici. Tous les enfants qui doivent passer un examen du ministère dans année sont à l'école bien plus tôt et jusqu'à bien plus tard que les élèves des autres classes. Ils veulent réussir.

Je lève mon chapeau à tous les enseignants du Burkina qui doivent corriger les copies de 100 élèves par classe, jongler avec des classes trop petites et une absence de matériel scolaire, mais je ne pourrais très certainement jamais évoluer dans un univers où la créativité est anéantie de la sorte.

Je pourrais vous parler longuement du système scolaire au Burkina, mais je vais m'arrêter ici et laisser les curieux me poser des questions!

Où en suis-je?

Les mois ont filés sans que je ne puisse attraper un peu de temps au passage pour vous écrire.

Ainsi, avant même de ne pouvoir vous faire part de quelques histoires, je me dois de vous informer au sujet de ma 'nouvelle' vie.

Effectivement, j'ai quitté Léo en début décembre dernier pour venir m'installer à Dédougou. Ce déménagement a aussi coïncidé avec le début d'un nouveau rôle au sein de notre équipe. J'occupe maintenant le poste des directrices humaines pour ISF au Burkina Faso. Il s'agit d'un travail motivant pour moi et très différent de celui que je faisais à la FEPPASI.

Je n'ai donc plus de partenaire local, je fais mon propre travail. Je suis en charge de la formation et de l'accompagnement de tous nos volontaires canadiens et burkinabés, long terme et court terme. Je suis assez heureuse là-dedans!

J'ai aussi eu la chance de mener une exploration en éducation afin de voir s'il y avait lieu pour ISF d'investir des effectifs à ce niveau. Bien que j'ai adoré l'expérience, l'éducation et les ressources humaines faisaient une charge trop lourde pour moi.

Alors voilà où j'en suis! Bientôt 10 mois au Burkina déjà. La grande chaleur est en train de venir et les arbres sont plein de mangues!