jeudi 23 décembre 2010

La Côte-d'Ivoire

Les élections en Côte-d’Ivoire ont été drôlement chaudes. Elles ont dû passer au deuxième tour, un tour extrêmement mouvementé. Le pays se retrouve maintenant avec deux présidents : un élu et reconnu par la communauté international, puis un qui refuse de laisser le pouvoir. La situation est loin d’être facile pour les habitants. Les fonctionnaires sont incapables d’obtenir un salaire, le prix des produits de base a doublé dans plusieurs cas, le pays est divisé, encore…

Je pourrais vous en parler beaucoup, c’est un sujet de l’heure ici, d’autant plus que plusieurs burkinabés ont eux-mêmes habités en Côte-d’Ivoire quelque temps ou encore ont de la famille qui y est installée. Cependant, je souhaite plutôt partager une histoire qu’un ami a généreuse partagé avec moi et qui est venue me toucher droit au cœur.

Depuis les premiers jours de mon arrivée à Léo, j’ai rencontré David. Il était l’un des garçons du grain (lieu de rassemblement pour boire le thé). David m’a, à multiple reprises, fait bien rire et souvent réfléchir en partageant, sans hésitation, son opinion sur une multitude de sujets. Le dernier soir avant mon départ de Léo, David m’a invité à prendre un pot d’aurevoir avec quelques autres amis. Quelques jours seulement après l’annonce des résultats en Côte-d’Ivoire, il s’agissait bien sur du sujet de conversation du groupe.

Puis, à un moment, David nous a confié, « j’y étais moi, quand le conflit a éclat », en faisant référence à la récente guerre civile qui a sévit en Côte-d’Ivoire. Au fil de la discussion, David s’est de plus en plus ouvert à nous. Il nous a partagé qu’il avait vu les rebelles tuer sa petite sœur devant ses yeux alors qu’il était arrivé trop tard pour leur prouver qu’elle était bel et bien burkinabée. Puis, quelques jours après le décès de sa sœur, David s’est fait prendre par les rebelles à son tour. Sachant très bien ce qu’ils avaient fait à sa petite sœur, David a tout de suite accepté de faire ce qu’ils lui diraient de faire. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à souffrir l’entraînement militaire des rebelles. Puis, une fois qu’il ait réussi, il a été jeté dans la forêt avec d’autres jeunes comme lui. La consigne était claire, seulement la moitié d’entre vous peut ressortir de cette forêt. C’est ainsi que pour sauver sa propre vie, David a dû tirer sur un ami. Pendant des semaines, il a connu les atrocités de la guerre et a survécu avec l’énergie du désespoir. C’est un malheur qui est parvenu à le sauver. Effectivement, le père de David est décédé au Burkina Faso alors qu’il combattait dans les forces rebelles. Étant le fils aîné, son père ne pouvait être enterré sans sa présence. Il a donc réussi à s’enfuir et à négocier avec tous ceux qui ont tenté de l’arrêter et à finalement se réfugier au Burkina Faso auprès de sa famille. Ce sont les yeux encore vitreux que David a partagé cette parcelle de vie avec nous.

Tout au long de l’histoire, j’avais la chair de poule sur les bras, le cœur gros et mon cerveau qui ne faisait que penser à tous ces romans et films que j’ai lus et écoutés au sujet des enfants soldats. Voilà, j’en avais un devant moi. David, mon ami, avait vu de ses yeux le côté le plus noir de l’homme, il avait dû de ses mains, tuer pour sauver sa vie…

Une fois de plus, j’ai pensé à toute la chance que j’ai eu de naître dans les conditions dans lesquelles je suis née. J’aimerais tellement pouvoir soulager David de sa souffrance, mais non, elle est là, bien présente en lui et ce à jamais…

Élection au Burkina Faso

Vingt-et-un novembre, l’heure des élections est arrivée au Burkina Faso. Un à un les électeurs se rendent aux urnes pour apposer leur choix sur un bout de papier. Leur empreinte digitale est prise en foi de signature. L’atmosphère autour des élections est parfois lourde, parfois festive. Le pays est confronté à plusieurs réalités. Tout d’abord, la très grande majorité des électeurs ne connaissent pas vraiment les enjeux électoraux et se laissent facilement séduire par les chandails, casquettes, pagnes et autres articles gratuits. Ensuite, il existe une certaine crainte face au changement. Le Burkina Faso est un pays en paix et les burkinabés souhaitent qu’il le demeure. Ainsi, en préconisant la stabilité politique, la paix est plus facilement assurée. Ensuite, beaucoup d’intellectuels et de gens faisant preuve d’une forte compréhension de la situation refuse de voter, croyant que leur vote est inutile. Ensuite, les candidats de l’opposition sont peu sérieux et parfois ouvertement corrompus. Finalement, il y a aussi des cartes électorales qui disparaissent par hasard le jour des élections et qui réapparaissent à la fermeture des urnes… Résultat, roulement de tambour….BLAISE COMPAORÉ est réélu!

mercredi 22 décembre 2010

Tabaski


Depuis plusieurs semaines déjà, je me suis fais silencieuse. Certains ont peut-être interprétés ce silence comme étant un moment calme dans mon travail et ma vie. Je vous assure, les dernières semaines furent tout le contraire. Ainsi, je vais tenter de publier une série de billets qui vous informeront sur certains des aspects qui ont teintés ma vie récemment.

Tabaski

Ma curiosité naturelle me chatouille souvent au sujet des diverses religions qui existent dans le monde. Ainsi, je me sens privilégiée d’habiter dans un pays où les religions cohabitent avec tant d’harmonie. Le Burkina Faso se divise presque également entre les religions islamiques et chrétiennes. Qui plus est, les croyances animistes sont encore bien présentes dans l’esprit et le cœur de plusieurs burkinabés. Néanmoins, je suis constamment ahurie par la cohésion qui existe entre les gens de croyances diverses. Ici, un père peut facilement être musulman, sa femme catholique, une de leur fille protestante, etc. Je suis fascinée par la tolérance et l’acceptation que les gens ont. Ce qui importe vraiment, c’est que la personne ait la foi. Ainsi, quand vient le temps de célébrer les fêtes religieuses, tout le monde y prend part avec joie.

C’est de cette façon que j’ai eu la chance de participer à la fête musulmane de Tabaski le 16 novembre dernier. Cette fête est l’une des plus importantes pour les musulmans, de la même manière que Noël l’est pour les chrétiens. C’est à Bobo-Dioulasso que j’ai pu assister et prendre part à la grande prière du matin puis au sacrifice du mouton et à la fête familiale et amicale qui s’en suit.

Alors que la religion est trop souvent un prétexte pour la division des gens, je me sentais honorée d’être accueillie et intégrée de façon remarquable par une famille au cœur tendre et aux bras grands ouverts pour moi. Une telle journée pousse beaucoup à réfléchir au sujet des conflits que les gens provoquent et aux raisons qui alimentent ces derniers…