jeudi 23 décembre 2010

La Côte-d'Ivoire

Les élections en Côte-d’Ivoire ont été drôlement chaudes. Elles ont dû passer au deuxième tour, un tour extrêmement mouvementé. Le pays se retrouve maintenant avec deux présidents : un élu et reconnu par la communauté international, puis un qui refuse de laisser le pouvoir. La situation est loin d’être facile pour les habitants. Les fonctionnaires sont incapables d’obtenir un salaire, le prix des produits de base a doublé dans plusieurs cas, le pays est divisé, encore…

Je pourrais vous en parler beaucoup, c’est un sujet de l’heure ici, d’autant plus que plusieurs burkinabés ont eux-mêmes habités en Côte-d’Ivoire quelque temps ou encore ont de la famille qui y est installée. Cependant, je souhaite plutôt partager une histoire qu’un ami a généreuse partagé avec moi et qui est venue me toucher droit au cœur.

Depuis les premiers jours de mon arrivée à Léo, j’ai rencontré David. Il était l’un des garçons du grain (lieu de rassemblement pour boire le thé). David m’a, à multiple reprises, fait bien rire et souvent réfléchir en partageant, sans hésitation, son opinion sur une multitude de sujets. Le dernier soir avant mon départ de Léo, David m’a invité à prendre un pot d’aurevoir avec quelques autres amis. Quelques jours seulement après l’annonce des résultats en Côte-d’Ivoire, il s’agissait bien sur du sujet de conversation du groupe.

Puis, à un moment, David nous a confié, « j’y étais moi, quand le conflit a éclat », en faisant référence à la récente guerre civile qui a sévit en Côte-d’Ivoire. Au fil de la discussion, David s’est de plus en plus ouvert à nous. Il nous a partagé qu’il avait vu les rebelles tuer sa petite sœur devant ses yeux alors qu’il était arrivé trop tard pour leur prouver qu’elle était bel et bien burkinabée. Puis, quelques jours après le décès de sa sœur, David s’est fait prendre par les rebelles à son tour. Sachant très bien ce qu’ils avaient fait à sa petite sœur, David a tout de suite accepté de faire ce qu’ils lui diraient de faire. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à souffrir l’entraînement militaire des rebelles. Puis, une fois qu’il ait réussi, il a été jeté dans la forêt avec d’autres jeunes comme lui. La consigne était claire, seulement la moitié d’entre vous peut ressortir de cette forêt. C’est ainsi que pour sauver sa propre vie, David a dû tirer sur un ami. Pendant des semaines, il a connu les atrocités de la guerre et a survécu avec l’énergie du désespoir. C’est un malheur qui est parvenu à le sauver. Effectivement, le père de David est décédé au Burkina Faso alors qu’il combattait dans les forces rebelles. Étant le fils aîné, son père ne pouvait être enterré sans sa présence. Il a donc réussi à s’enfuir et à négocier avec tous ceux qui ont tenté de l’arrêter et à finalement se réfugier au Burkina Faso auprès de sa famille. Ce sont les yeux encore vitreux que David a partagé cette parcelle de vie avec nous.

Tout au long de l’histoire, j’avais la chair de poule sur les bras, le cœur gros et mon cerveau qui ne faisait que penser à tous ces romans et films que j’ai lus et écoutés au sujet des enfants soldats. Voilà, j’en avais un devant moi. David, mon ami, avait vu de ses yeux le côté le plus noir de l’homme, il avait dû de ses mains, tuer pour sauver sa vie…

Une fois de plus, j’ai pensé à toute la chance que j’ai eu de naître dans les conditions dans lesquelles je suis née. J’aimerais tellement pouvoir soulager David de sa souffrance, mais non, elle est là, bien présente en lui et ce à jamais…

Élection au Burkina Faso

Vingt-et-un novembre, l’heure des élections est arrivée au Burkina Faso. Un à un les électeurs se rendent aux urnes pour apposer leur choix sur un bout de papier. Leur empreinte digitale est prise en foi de signature. L’atmosphère autour des élections est parfois lourde, parfois festive. Le pays est confronté à plusieurs réalités. Tout d’abord, la très grande majorité des électeurs ne connaissent pas vraiment les enjeux électoraux et se laissent facilement séduire par les chandails, casquettes, pagnes et autres articles gratuits. Ensuite, il existe une certaine crainte face au changement. Le Burkina Faso est un pays en paix et les burkinabés souhaitent qu’il le demeure. Ainsi, en préconisant la stabilité politique, la paix est plus facilement assurée. Ensuite, beaucoup d’intellectuels et de gens faisant preuve d’une forte compréhension de la situation refuse de voter, croyant que leur vote est inutile. Ensuite, les candidats de l’opposition sont peu sérieux et parfois ouvertement corrompus. Finalement, il y a aussi des cartes électorales qui disparaissent par hasard le jour des élections et qui réapparaissent à la fermeture des urnes… Résultat, roulement de tambour….BLAISE COMPAORÉ est réélu!

mercredi 22 décembre 2010

Tabaski


Depuis plusieurs semaines déjà, je me suis fais silencieuse. Certains ont peut-être interprétés ce silence comme étant un moment calme dans mon travail et ma vie. Je vous assure, les dernières semaines furent tout le contraire. Ainsi, je vais tenter de publier une série de billets qui vous informeront sur certains des aspects qui ont teintés ma vie récemment.

Tabaski

Ma curiosité naturelle me chatouille souvent au sujet des diverses religions qui existent dans le monde. Ainsi, je me sens privilégiée d’habiter dans un pays où les religions cohabitent avec tant d’harmonie. Le Burkina Faso se divise presque également entre les religions islamiques et chrétiennes. Qui plus est, les croyances animistes sont encore bien présentes dans l’esprit et le cœur de plusieurs burkinabés. Néanmoins, je suis constamment ahurie par la cohésion qui existe entre les gens de croyances diverses. Ici, un père peut facilement être musulman, sa femme catholique, une de leur fille protestante, etc. Je suis fascinée par la tolérance et l’acceptation que les gens ont. Ce qui importe vraiment, c’est que la personne ait la foi. Ainsi, quand vient le temps de célébrer les fêtes religieuses, tout le monde y prend part avec joie.

C’est de cette façon que j’ai eu la chance de participer à la fête musulmane de Tabaski le 16 novembre dernier. Cette fête est l’une des plus importantes pour les musulmans, de la même manière que Noël l’est pour les chrétiens. C’est à Bobo-Dioulasso que j’ai pu assister et prendre part à la grande prière du matin puis au sacrifice du mouton et à la fête familiale et amicale qui s’en suit.

Alors que la religion est trop souvent un prétexte pour la division des gens, je me sentais honorée d’être accueillie et intégrée de façon remarquable par une famille au cœur tendre et aux bras grands ouverts pour moi. Une telle journée pousse beaucoup à réfléchir au sujet des conflits que les gens provoquent et aux raisons qui alimentent ces derniers…

vendredi 29 octobre 2010

Mon bonheur au quotidien

Au Burkina, mon bonheur au quotidien, ce sont les gens.

Dans ma cour, il y a Awa, Mariam x 2 et Assetou qui chaque jour me font rires. Elles me racontent milles et une histoires. Nous partageons nos plats et discutons tranquillement assises quelque part dans la cour. Elles ont toujours le cœur à la blague. Elles me font du bien.

Dans ma rue, il y a le groupe d'étudiants qui boit le thé sous l'arbre à karité à côté de chez moi. Ils me font voir ce que c'est d'être jeune et d'habiter au Burkina. Ils m'expliquent un million de choses sur les réalités du pays et ce sans jamais me juger. Ils me rappellent à quel point j'aime travailler avec les jeunes, tous plus promoteurs les uns que les autres.

Dans ce groupe de jeunes, il y a Diahodine. Il est en première (l'avant dernière année du secondaire). Sa famille est au Ghana. Il a 21 frères et sœurs. Quand il avait 9 ans, son grand-papa l'a pris avec lui, l’a amené au Burkina Faso pour qu'il puisse aller à l'école. Il habitait à 6km de l’école, tous les jours il devait y aller en vélo. Puis, quand il a terminé le secondaire, il a du déménager seul. Il n’y avait pas de lycée près de chez son grand-père. Il est venu vers Léo, pour être plus près du Ghana et de la famille élargie. Il habite dans une maison minuscule sur ma rue. Chaque soir, il vient chez moi, profiter de l’électricité et travailler dans ses bouquins. Il est déterminé à faire tout ce qu’il peut pour terminer son secondaire.

À Léo, il y a les Nadié, Djibril et Fidel, leur femme et leurs enfants. Ils sont des amis sur qui je peux toujours compter. Ils sont toujours là pour me rendre service et pour partager un bon poisson grillé et échanger à propos de tout et de rien. Chaque moment passé avec eux est hyper enrichissant, nous échangeons constamment au sujet de nos cultures respectives. Ils ont une curiosité et une compréhension qui surprend.

À la FEPPASI, il y a Houdou, le comédien. Il met fait tellement rire. C’est un farceur. Il y a Minata qui met tous les efforts du monde pour apprendre l’anglais. Il y a Traoré qui est toujours là quand j’ai besoin de lui et avec qui j’aime bien discuter de littérature et apprendre les langues locales. Il y a le coordonateur d’un professionnel surprenant, mais qui aime rire de bon cœur lors des quelques moments de détente. Il y Issaka, discret, mais d’une gentillesse pure. Il y a le président, un visionnaire, un innovateur et un véritable leader. Il y a Kayira qui rit TOUJOURS, sans arrêt. Il y a les sept conseillers, tellement dévoués et qui m’en apprennent tellement. Il y a toutes ces autres personnes qui gravitent autour de moi, le gardien, le préposé au cyber, les animateurs, les producteurs, les transformatrices et j’en passe et chacun m’amène un petit quelque chose de particuliers.

Au marché, il y a ces femmes qui ne parlent pas français et avec qui, chaque fois, j’ai tellement de plaisir à choisir mes légumes et à refuser de prendre leur fils, leur neveu, leur cousin en mariage.

À Bobo, il y a Delphine et sa famille qui m’ont si chaleureusement accueilli en 2008. Chaque fois que je les vois, je suis bouleversée par la chance que j’ai de les connaître. Ils sont des gens profondément bons. Je les aime beaucoup. Delphine demeure la meilleure cuisinière du Burkina Faso et chaque fois, elle sait me prendre par les sentiments, mon estomac! Il y a Aimé, un entrepreneur, mais aussi un ami se souciant véritablement de son entourage. Un homme droit. Il y a Abou, mon faux mari qui s’informe de moi chaque jour.

À Banfora, il y a Mariam. Elle est tellement belle et déterminée. La progression qu’elle a faite depuis que j’ai habité avec elle en 2008 m’épate. Elle a maintenant des clients un peu partout au pays. Il y a ses deux fils, Aziz et Gédéon. Aziz qui grandit bien et qui continue de rêver de devenir un joueur de foot professionnel et Gédéon qui est terrorisé chaque fois qu’il me voit. Il y a la vieille qui est tellement calme et posée. Il y a ma chère Nathanée, qui a certes grandit, mais qui est toujours autant comédienne. Il y a Aminata qui devient rapidement une femme. Il y a les sœurs, les enfants, les étudiants, tous ces gens qui ont partagé ma vie pendant des mois et qu’il fait tellement chaud au cœur de revoir. Il y a Pascal, mon boutiquier qui est toujours aussi relax et prend la vie du bon côté. Il y a Issa, qui chaque fois m’accueille comme pas deux. Il y a Franck, qui a finalement son bureau à lui et ses clients et qui se dévoue corps et âme pour moi. Il y a toutes ces autres personnes avec qui j’ai travaillé de près ou de loin, qui continuent de me faire sourire par leur dévotion, leur courage et leur détermination.

Partout au pays, il y a ma famille, les gens d’ISF. Il y a Rosanne avec qui je peux avoir les conversations les plus sérieuses du monde, mais qui me fait rêver et rire à chaque occasion. Il y a MC avec qui je peux toujours partager mes péripéties culinaires. Il y a Cat qui a une ardeur au travail surprenante. Il y a Noé qui crayon à la main nous fait les plus beaux dessins en un rien de temps et qui est toujours prête à jaser ‘framework’. Il y a Flo qui est toujours tellement optimiste face à l’équipe. Il y a Charles qui rêve grand, qui veut vraiment. Il y a Romesh qui est intrinsèquement tellement bon envers tous et avec qui il fait toujours plaisir d’échanger. Il y a Nasser qui un leader surprenant. Il y a Idrissa avec tous ses proverbes et ses pensées philosophiques tellement inspirantes. Il y a Hermann avec son sourire et son attitude détendu. Il y a Dana, Matthieu et Tess qui amènent un vent de fraîcheur.

Il y a tous ces enfants que je croise dans la rue, ces hommes, ces femmes qui mettent du soleil dans ma vie au quotidien. Il est tellement bon d’être aussi bien entourée… ah le Burkina!

jeudi 16 septembre 2010


Rizière près de Ouaga

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Tout près de Ouagadougou

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Avec l'hivernage vient l'eau, Dieu merci!
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Sapouy, village à mi-chemin entre Léo et Ouagadougou
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Un village à la sortie de Léo
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Sur la route vers le travail
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Mon voisinage. Un bel environnement pour faire son jogging non?!
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L'arbre sous lequel je prends le temps presque tous les jours avec les voisins
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Kayira et Francis en train de prendre des notes pendant la formation sur la cartographie GPS
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Aziz le producteur qui a bien nous prêter son champ pour la collecte de données GPS

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Un des boeufs utilisé pour cultiver

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mercredi 15 septembre 2010


Kahira qui ceuille des goyaves au bureau.
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“Quand une porte se ferme, une fenêtre s’ouvre”

Les proverbes! Ils garnissent bien ma vie en terre burkinabé. Chaque jour, je sourie quand j’entends les gens discuter et glisser un proverbe ici et là. Comment retenir un rictus quand mon homologue me dit : “Ah les fous! Tant qu’ils ont encore des vêtements, on peut les réchapper”. Le rire ici est un mode de vie. Des gens qui rient aux éclats, j’en vois et j’en entends tous les jours. Les gens ont le rire facile. Il ne m’est pas rare de me retrouver au milieu d’un groupe qui se bidonne et de ne rien y comprendre. Les doigts qui se claquent, les tapes sur les cuisses, les gens savent se marrer au Faso.

La fête du Ramadhan est arrivée. Les boubous sont sortis et les voiles aussi. Les gens se mettent beaux. Les festivités battent leur plein. Après trente jours de jeûne du levée au couchée du soleil et d’empathie accentuée envers tout ceux qui souffre de la faim au quotidien, la vie reprend doucement son cours habituel. Les trente derniers jours ont certainement été des plus enrichissants et m’ont permis de mieux comprendre la foi qui anime les burkinabés qui m’entourent. Les discussions ont parfois été bien chaudes. Toutefois, peu importe les affirmations de certains, une régularité refaisait surface constamment. Au tournant d’une conversation, une croyance animiste réapparaissait continuellement. Que ce soit le petit elfe de Bobo qui donne des sorts aux gens qui s’aventure dans le boisé sacré ou encore les pouvoirs des marigots qui peuvent être drôlement dangereux quand on ne tient pas nos promesses, les gens continuent de croire en des forces supérieurs qui n’ont rien à voir avec les religions chrétiennes ou islamiques. Ainsi, il est impensable de couper les aliments avec un couteau dans un plat, parce que l’on risque de faire disparaître le don de notre mari à avoir une peau impénétrable par la lame d’un couteau.

La vie quotidienne au Burkina Faso est loin d’être ennuyante avec toutes ces histoires bien souvent échangées autour d’un thé bien chaud, bien amer et surtout, bien sucré. Les amitiés commencent à se former, mon nom à résonner de plus en plus souvent dans les rues de Léo et mon bonheur à continuer de grandir.

dimanche 22 août 2010

Vaut mieux être à la queue d’un lion que d’être à la tête d’un rat -Thomas Sankara

Thomas Sankara, un grand homme certes. Un personnage historique illustre au Burkina Faso. C’est dès l’âge de dix-neuf ans que ce dernier s’enrôle dans le service militaire du pays. Au fil des ans, il vit la guerre sous multiple façons entre autres au Madagascar et au Mali. C’est en 1982 qu’il rencontre Blaise Compaoré alors membre du service militaire également. Remplis de rêves et d’espoirs pour leur nation les deux compatriotes décident d’unir leur force pour mener un coup d’état en Haute-Volta (appellation du pays à l’époque) afin de renverser le gouvernement en place. C’est par les armes qu’ils réussissent à faire la révolution et à prendre le contrôle du pays l’année suivante, soit en 1983. Sankara devient alors président du pays. Ses idéologies tranchent grandement avec celles ayant jusqu’à ce jour dominées le pays. Sankara est celui qui change le nom du pays passant de Haute-Volta (nom laissé par la France colonisatrice) à Burkina Faso et qui instaure le nouveau drapeau. Burkina Faso signifie « Pays des hommes intègres » et est un mélange des deux langues locales majoritaires, soient le mooré avec le mot « burkina » qui signifie intègre et le djoula avec le mot « faso » signifiant pays. Derrière le nouveau drapeau instauré par Sankara, se cache une triple signification. Le rouge représente la révolution socialiste, le jaune de l’étoile représente la lumière qui a guidé cette révolution et le vert illustre la richesse agricole du pays. Sankara est un homme de valeurs qui a rapidement changé la face du Burkina Faso. Il défend l’émancipation des femmes, il dénonce l’excision, il encourage l’alphabétisation, il reconnait le sida comme étant une menace pour l’Afrique, il encourage l’économie locale entre autres en instaurant l’habit sankariste qui est fabriqué à partir de coton cultivé au Burkina et tissé par des artisans locaux, il dénonce la polygamie et les mariages forcés et il diminue les salaires de tous les fonctionnaires de l’état. Sankara brille par l’exemple, il va lui-même au travail à vélo, refuse d’avoir l’air climatisé dans son bureau, soutenant qu’une trop petite majorité de la population a accès à un tel luxe, et va faire son jogging avec les burkinabés de son quartier. Il tient une réforme agraire qui résulte en l’auto-suffisance alimentaire du pays en une seule année. Sankara ferme aussi les portes de son pays à l’aide international en soutenant que « celui qui te nourrit te contrôle ». Voilà ici que quelques exemples des multiples changements que Sankara inaugure au Burkina Faso. Il est un leader marxiste de la même trempe que Che Guevara qui amène un vent d’espoir sur la nation en entier. Or, un mois seulement après qu’il ait affirmé « On peut tuer un leader, mais une idée ne meure jamais », Sankara est assassiné lors d’un coup d’état orchestré par son frère Blaise Comparoé. Ce dernier soutenant que Sankara éloigne la France et la Côte-d’Ivoire qui sont pourtant des partenaires stratégiques. En 2010, Comparoé est toujours le président du Burkina Faso, 23 années plus tard. Quelques années après s’être auto-proclamé président, ce dernier a tenu les premières élections démocratiques du pays. Le 11 novembre prochain auront lieu des élections au Burkina Faso. Aucun doute ne plane vraiment autour de ces dernières, Comparoé sera réélu. Le Burkina étant redevenu le troisième pays le plus pauvre au monde, il est parfois difficile d’accepter que son président possède un avion présidentiel et une richesse plus grand que bon nombre de leaders mondiaux incluant les leaders canadiens et français. Mais demeurons optimistes, le Burkina vit une stabilité politique depuis 23 ans…

samedi 21 août 2010

Un petit billet informatif

Je sais! Je vous délaisse! Toutefois, je suis en train de vous préparer un billet un peu plus instructif que je vais tenter de publier sous peu.

En attendant, je vais bien! Très bien!

Depuis mon dernier billet, j'ai eu le temps d'aller au Canada cinq semaines. Ouf! Quelles cinq semaines! Quatre de formation super intense avec des gens formidables! Wow! Beaucoup trop d'apprentissages et de réalisations. Je vais tenter de vous en partager un peu bientôt.

Ensuite, je suis passée par la maison et j'ai eu la chance de voir plein de gens qui me sont tellement chers! Ça fait du bien! J'étais même présente pour la fête de ma chère nièce Laulau! 9 ans, ça se fête en grand!

Puis, il y a déjà une semaine que je suis de retour au Burkina. Wow! Tellement de choses à faire! Je capote! C'est fou comme j'adore mon placemnet jusqu'à maintenant!

Pleins de projets hyper stimulants autant à la FEPPASI qu'avec ISF.

D'ailleurs, je suis présentement à Ouaga pour travailler avec Dana un volontaire court terme professionnel. Il travaillera en éducation cet automne et c'est moi qui le coach...non mais tout pour rendre la fille heureuse!

Sinon, je vous ai mis un petit vidéo. C'est une partie de la route entre Léo et Ouaga avant mon départ en juillet (donc c'est déjà beaucoup plus vert). Un enfant avec qui j'ai joué au frisbee au Ghana, ma maison (ou vous êtes les bienvenus), une photo de notre visite sur la ferme des Budd en Ontario pendant la formation, la gang avec qui j'ai fait la formation, l'équipe d'Afrique de l'ouest au Ghana pendant la pause du frisbee avec nos observateurs et des vaches Ghanéennes!

Je vous en file plus quand j'en ai des bonnes!

jeudi 12 août 2010

lundi 9 août 2010

jeudi 22 juillet 2010

Vidéo



Voici un petit vidéo de la route entre Léo et Ouaga...un petit aperçu finalement!

lundi 5 juillet 2010

Ah le temps !

Vous avez l’impression que le temps vous file entre les doigts, que vous n’arrivez jamais à faire tout ce que vous aviez prévu, qu’il est primordial de tenir un agenda détaillé pour atteindre vos objectifs, que le temps c’est de l’argent même ?!? Rien de trop surprenant !

En fait la société canadienne à une vision du temps dites monochronique, ce qui est diamétralement opposé à la vision burkinabé, qui elle est polychronique. Afin de vous illustrer ce que j’entends par là, je me permets de citer mon ami Issa, un burkinabé qui habite à Sherbrooke depuis quelques années déjà :

« Ici (en parlant du Canada), vous courrez après le temps, au Burkina, on prend le thé pour perdre le temps. »

Ainsi, la vision du temps est très différente pour les deux peuples. Or, pour quelqu’un issu d’une société qui prône avant toute chose l’efficacité, il peut devenir frustrant d’essayer d’évoluer dans un monde si flegmatique face au temps. Toutefois, c’est avec un certain relâchement qu’il devient possible de réaliser que le taux de stress d’un individu a une très forte corrélation avec cette perception temporelle. Nul doute qu’un certain équilibre entre les deux dimensions culturelles est souhaitable pour la plénitude de chacun. Cependant, l’atteinte de ce louable objectif n’est pas chose aisée.

Afin de vraiment bien vous faire saisir la marge considérable qui existe entre ces deux visions du monde, je propose de dresser un portrait des deux journées de rencontre qui se sont tenues en début de semaine à la FEPPASI (Fédération provinciale des professionnels agricoles de la Sissili- mon organisme partenaire).

Tout d’abord, un peu de contexte. La FEPPASI est une fédération qui regroupe plus de 12 000 producteurs agricoles dans la province de la Sissili, dans le sud du Burkina Faso. Cette structure emploie une trentaine de personnes qui travaillent directement avec les paysans afin de faciliter la passation d’une agriculture de subsistance à une agriculture de marché et ainsi réduire la pauvreté au sein des familles de producteurs. La fin de juin était synonyme de fin de semestre pour la FEPPASI. Ainsi, la structure a pris soins de regrouper tous les membres de son personnel terrain et de gestion pour faire le point sur les activités passées et celles à venir. C’est donc pendant deux jours que se sont rencontrés environ trente-cinq personnes dans les bureaux de la fédération.

Lundi, 10h30, toutes les personnes attendues sont finalement arrivées à la FEPPASI à l’exception du président. La rencontre peut donc commencer comme la présence de ce dernier n’est ni assurée, ni essentielle au bon fonctionnement de la réunion. Le coordonateur des programmes prend donc le rôle de facilitateur pour l’occasion. Une quinzaine de personnes sont assises autour de plusieurs tables formant un U et faisant face à un mur blanc où est projeté l’information. Les vingt autres personnes sont assises derrière, sur des chaises ou encore des bancs, un peu en retrait, ces derniers sont pour la plupart les animateurs venus des différentes communes (une commune est un village). La première étape consiste en la restitution du bilan du dernier semestre par les conseillers (le conseillers est la personne en charge de l’exécution des appuis sur le terrain) des différents villages. Trois conseillers font à tour de rôle leur présentation. Ces dernières sont plutôt monotones et font le point sur les mêmes objectifs qui avaient été fixés globalement. Les conseillers utilisent un support visuel, c'est-à-dire le tableau word dans lequel ils ont compilé leurs données. La participation des autres personnes présentes est très limitée. Or, les employés de bureau de la FEPPASI prennent le temps de poser quelques questions sur les activités décrites.

Un débat est d’ailleurs relevé par la chargé en communication quant à la prise en considération des femmes. Un bailleur de l’organisation suisse, qui finance majoritairement la FEPPASI, présent pour l’occasion avait d’ailleurs lancé le débat dès le début de la rencontre en mentionnant l’absence totale de femmes à la réunion. En effet, nous n’étions que trois femmes présentes, c’est-à-dire la chargé communication, mon homologue et moi-même, donc aucune femme du terrain. Un des conseillers répond d’ailleurs à cette préoccupation en disant qu’il ne faut pas oublier que la compréhension intellectuelle chez les femmes n’est pas aussi élevée et qu’il est donc difficile de les inclure dans les activités. Ouf, c’est chaud ! Les commentaires fusent de toutes parts, le chaos est lancé !

Trois heures plus tard, avec une audience calmée, un peu trop calme peut-être même, une pause de trente minutes est suggérée par le coordonnateur. Celle-ci est bienvenue, les personnes s’étant assoupies commençaient à se multiplier et l’attention était devenue quasi inexistante. Pendant la pause, tout le monde se dirige à l’extérieur cherchant l’ombre sous les manguiers pour discuter et manger un sandwich. La pause de trente minutes se transforme bien vite en pause d’une heure trente. Au retour de cette dernière, les trois autres conseillers présentent à tour de rôle le bilan de leur commune. Cependant, contrairement à leurs collègues les précédant, c’est derniers n’ont aucun support visuel. Ainsi, pendant plusieurs longues minutes, ils citent une série de chiffre et de statistiques. La digestion du sandwich aidant, l’obscurité de la pièce et la non-sollicitation des autres participants a un effet dévastateur sur les autres personnes présentes, les têtes deviennent de plus en plus lourdes et les yeux de plus en plus clos. C’est finalement après deux autres longues heures que la rencontre est suspendu pour le dîner. Il est entendu que la session reprendra dans une heure, c’est-à-dire vers les 18h.
Les 18h se transformèrent en 21h. Les 8h du lendemain en 9h et les prévisions pour le semestre à venir en l’éclatement des frustrations des membres du bureau pour la non-participation de l’équipe terrain et celles de l’équipe terrain pour la non-considération des réalités du travail dans la brousse. C’est par intervalles de discussions entrecoupés par des appels téléphoniques sur les cellulaires de chacun que la deuxième journée s’est close sans résultat pour le semestre à venir, mais plutôt le fardeau sur les épaules de l’équipe terrain d’établir les attentes pour les mois à venir sans la consultation des gens qui auront à remplir ces attentes.

Ce type de rencontre en est une caractéristique des réunions que j’ai eu à vivre jusqu’à maintenant au Burkina Faso. Elle met bien en lumière les distinctions entre la conception du temps monochronique et celle polychronique. Tout d’abord, les personnes ayant une vision polychronique perçoivent les interruptions comme difficilement évitables et souvent bénéfiques (ex : prendre un appel téléphonique alors que nous sommes en train de faciliter une session) alors que pour les personnes ayant la vision monochronique, les interruptions devraient être évitées autant que possible.

Une différence importante se situe également au niveau de la conception du temps. Alors que pour les gens ayant la vision monochronique, il est important de respecter l’horaire, pour ceux ayant la vision polychronique, mieux vaut terminer la tâche peu importe l’horaire (donc reprendre à 21h plutôt que de couper un peu dans les pauses).

Pour les gens ayant la vision polychronique, les dates limites sont relatives et ne devraient pas trop être prises au sérieux alors que pour ceux ayant la vision monochronique, elles constituent une promesse et comme plusieurs autres choses dépendent d’elles, elles doivent être respectées. Ainsi, dans cette situation, bien que la date limite pour les rapports et les présentations avaient été fixés plusieurs semaines à l’avance, plusieurs des conseillers se sont retrouvés à faire leur rapport la journée même et à ne pas avoir de support visuel par manque de préparation. Toutefois, ce manque de préparation ne doit pas être interprété comme un manque de sérieux dans son travail, mais plutôt comme une conception différente des dates limites.

D’autres caractéristiques des personnes ayant une vision du temps polychronique est par exemple la tendance qu’on les gens à tous se lancer vers le plat de sandwiches plutôt que de faire la ligne pour les recevoir un à la fois comme les gens ayant une vision monochronique feraient. Aussi, les gens ayant la vision monochronique sont davantage orientés vers les personnes que les tâches, ainsi ils prennent le temps de discuter de sujets personnels pendant les heures de travail. Ces discussions sont d’ailleurs très importantes pour eux, ils accordent beaucoup de valeur à leurs relations. Quant à eux, les gens ayant la vision monochronique attendent pour entretenir ce type de discussions pendant les pauses comme ils sont tellement orientés vers la tâche. Finalement, alors qu’un agenda est très important pour les personnes avec la vision monochronique, pour ceux ayant la vision polychronique, un agenda n’est qu’un bout de papier et sera inévitablement changé.

Bref pour les gens ayant une vision monochronique, le temps est une donnée immuable. Les gens sont des variables et doivent s’ajuster au temps alors que pour les gens ayant une vision polychronique le temps est le servant et l’outil de l’homme. Il n’y en a toujours plus, et l’homme n’est jamais assez occupé pour refuser de faire quelque chose.

Ainsi, voici une des réalités avec laquelle je dois jongler au quotidien. Je dois apprendre à vivre un équilibre au niveau de ma vision du temps si je ne veux pas être trop frustré face à mes collègues et par le fait même, si je ne veux pas provoquer des frustrations chez eux non plus. Cette différence de perception fondamentale est tellement riche à mes yeux et rend notre planète tellement plus agréable à découvrir. Le défi demeure de trouver un terrain d’ententes.