vendredi 11 juillet 2008

Paroles de sage

Comme promis il y a longtemps... un peu plus sur ma discussion avec le vieux de la maison!

Dimanche soir, je rentre à la maison après une fin de semaine passée à Bobo-Dioulasso. Sur la route, déjà les enfants courent pour m’accueillir. Bien vite, je me retrouve avec trois d’entre eux dans mes bras et je me sens bien parce qu’on me reçoit avec joie. Je pars déposer mon sac dans la maison et quand je ressors, c’est le calme plat autour de moi. Tout le monde a disparu, les enfants sont repartis jouer. Paisiblement, il y a le vieux assis seul, sous le manguier. Le vieux, je ne le connais pas beaucoup. Il habite dans la brousse avec ses deux plus jeunes femmes. Depuis quelques temps, ses visites à Banfora sont plus fréquentes. Sa santé est fragile et il doit recevoir des soins. Je décide donc de profiter de l’occasion et d’aller discuter un peu avec lui.
Tranquillement, je vais m’asseoir sur la chaise vide qui est à ses côtés. Comme je m’installe doucement, il fixe le vide paisible et me dit : « Tu sais, l’Afrique n’est pas pauvre ». Le silence s’installe à nouveau. Si peu de mots, mais tellement de poids. Sereinement, un sourire apparaît sur son visage. Lorsque je me tourne vers lui, il a les yeux rieurs et me dit simplement : «L’Afrique n’est pas pauvre, mais l’Afrique est pressée». Légèrement, je lui demande comment, comment l’Afrique est-elle pressée? Pour toute réponse, il m’interroge :
- « Il y a toujours eu les tracteurs au Canada? »
- «Non, bien sûr que non. Il y a eu les charrues et encore avant les hommes utilisaient les outils à main»
- «VOILÀ! L’Africain veut sauter les étapes. L’Africain veut tout de suite s’occidentaliser, mais il oublie qu’il y a des phases à gravir.»
En quelques mots à peine, le vieil homme venait de m’expliquer ce déséquilibre qui me perturbait depuis mon arrivée.
Puis, le regard toujours souriant, il me dit : « Un homme qui a faim, ne peut se développer. Un pays qui a faim, ne peut se développer ». Je suis de plus en plus tourmentée par la justesse de ses mots. « Le travail au champs est difficile. Une fois que l’homme a connu autre chose, il ne veut pas retourner aux labeurs ardus de l’agriculture » me raconte-t-il. Puis, avec une fierté palpable, il me dit : «J’ai dix-sept enfants et trois femmes. Aucun d’entre eux n’a jamais connu la faim!»
«Trente-deux ans. Pendant trente-deux ans, j’ai cultivé la terre. Pendant trente-deux ans, j’ai servi l’état en formant mes pairs ». C’est ainsi que M. Sirima m’explique qu’il est important de commencer le travail à la base et que cette base, c’est l’agriculture.
À ce moment, l’espoir venait de renaître en moi. À ce moment, j’ai moi aussi cru au potentiel du Burkina Faso. À ce moment, le vieux m’a introduit à un proverbe africain, « Quand quelqu’un te lave le dos, laves toi au moins le visage». M. Sirima ne le savait sans doute pas, mais il venait tout juste de justifier toutes mes croyances, il venait de renforcir mes valeurs face au développement humain. Encouragée, je lui ai donc demandé ce qu’il croyait de mon projet. Rayonnant, il m’a dit : « Vous avez compris. C’est de votre expertise dont nous avons besoin pas de votre argent ».
Il y a des jours excessivement difficiles ici, des jours où un rien me fait baisser les bras. Heureusement, il y a aussi des jours comme cette soirée du 15 juin. Ce soir là, j’ai vue l’espoir briller dans le regard d’un homme. Ce soir là, j’ai aussi compris ce que l’on entendait par la sagesse des aînés africains. Depuis, chaque matin, je me réveille en me répétant les mots de M. Sirima : «L’Afrique n’est pas pauvre » et chaque matin je crois encore plus fort au potentiel de ces habitants.

4 commentaires:

Pat a dit…

Salut ma tite soeur,
Tu me manque énormément. LIre ton blogue me fait un très grande bien.tu es si loin tu monde capitaliste dans lequelle je me sens prisonnier.Promet moi de me garder un peu de temps a ton retour tu as tellement de projet et tu me manque tellement.J'ai hate de prendre une journée entière avec toi simplement pour discuter. Je t'aime fort take care
Pat xxx

Sab a dit…

Je ne te dirai pas assez souvent combien je te trouve forte et courageuse! J'ai toujours admiré cette façon que tu as de voir la vie, de vouloir aider ton prochain ainsi. Tu es une femme extraordinaire dont le monde a besoin! Bizous,
Sab

Anonyme a dit…

C'est vraiment des paroles de sage ça. Ça fait beaucoup réfléchir.
Depuis que tu m'as donné l'adresse de ton blog j'ai tout lu ce que tu as écris. Tu vis vraiment une expérience incroyable et enrichissante. Je t'envie mais en même temps je ne sais pas si j'aurais ta force pour le faire. C'est un objectif disons.
Continue de nous donner de tes nouvelles. Et puis à ton retour il faut vraiment qu'on se voit et que tu me raconte tout ça, tes impressions etc. Je te souhaite un fin de séjour extraordinaire et remplie de belles découvertes!

Katsu a dit…

Hey Val!
Le seul mot qui me viens en tête c'est '----'(vide)! C'est fou mais je crois que c'est nous qui avons du chemin à faire après avoir lu les paroles de sage. I can't wait to see you. Kathy Sue